Article mis en ligne le 1er mai 2011 par Yvon Gac
Monseigneur Charles Nouvel de la Flèche, Dom Anselme, évêque de Quimper et Léon au XIXème siècle.
C’est en 1741 que la famille NOUVEL de la GRENOUILLAIS fait l’acquisition du manoir de LA FLECHE avec Guillaume Pierre NOUVEL, sénéchal de Lesneven. C’est une famille de vieille bourgeoisie, d’origine rennaise, établie dans le Léon au XVIIIème siècle avec Charles NOUVEL, sénéchal de Lesneven, qui acheta aux environs de cette ville, en 1725, la petite terre de la FLECHE (en breton An ZEAS), située sur la rivière du même nom, en la paroisse de PLOUIDER. Les Nouvel, seigneurs de la Louzillais, de la Grenouillais, de Landaillé, de Mesmélégan, en Plouvien, et de la Flèche en Plouider, portent : « d’argent, au pin terrassé de sinople, supporté par deux cerfs affrontés d’azur ».
« M. Audren de Kerdrel, sénateur du Morbihan, aida au choix, pour le diocèse de Quimper, d’un Breton qui ne connaissait pas la langue du pays, et avait été élevé en dehors de ses usages, son beau-frère, le R.P. Dom Anselme Nouvel de la Flèche, autrefois curé de la paroisse rennaise de Toussaint, puis vicaire général de l’Archevêque, et devenu fils de Saint-Benoît, dans la Congrégation de la Pierre-qui-Vire. Celui-ci devait gouverner le diocèse pendant quinze ans, avec une grande sagesse et un zèle fructueux. Il reçut la consécration épiscopale dans son monastère même ; et le 15 février 1872, il fit son entrée solennelle dans sa ville de Quimper et dans sa cathédrale de Saint-Corentin ».
Armes : « Mi-parti au 1er les armes de saint Benoît, au 28 d’argent au pin terrassé d’azur supporté par deux cerfs affrontés de gueules ». Devise : « In visceribus Jesu Christ ».
Il était surnommé : « An Eskop du », car il ne quittait jamais son habit noir de Bénédictin.
Monseigneur Charles NOUVEL de LA FLECHE, Dom ANSELME, né à Quimper le 25 décembre 1814 et décédé le 1er juin 1887 à Quimper, était fils de Joseph François Charles Nouvel de la Flèche et de Caroline Agathe Huon de Kermadec (mariés le 9 février 1814). Charles Nouvel fit ses études de droit à Rennes où son père était conseiller à la Cour, Président de la cour d’Appel de Rennes, Bâtonnier des Avocats, Chevalier de la Légion d’Honneur.
Après avoir exercé quelque temps comme avocat, il entra le 9 octobre 1838 au Séminaire de Saint-Sulpice et, ordonné prêtre le 5 juin 1841 pour le compte du diocèse de Rennes, fut successivement vicaire à l’église Saint-Germain, professeur de théologie morale au Grand-Séminaire (1843-1852), aumônier de l’Hôpital Saint-Yves (en 1852-1857), curé de Toussaints (1857-1864), puis vicaire général de Mgr Godefroy Saint-Marc, archevêque de Rennes (1864-1869).
Ses compétences juridiques le conduisent à diriger les re-négociations pour l’Eglise de France, de nouveaux statuts avec l’Etat ; il est alors très remarqué pour ses compétences par Napoléon III. Il sent alors qu’il risque de devenir évêque, ce qu’il refuse. Il préfère s’occuper plus modestement de ses œuvres pour les pauvres.Il choisit entrer en religion et de devenir moine car aucun moine n’a été nommé évêque depuis le Moyen Age. Il se retira le 23 juin 1869 au Monastère des Bénédictins de la Pierre-qui-Vire, au diocèse de Sens, mais à peine avait-il fait profession sous le nom de Dom Anselme, que par décret de M. Thiers, président de la République, il fut désigné pour remplacer Mgr Sergent sur le siège de saint Corentin, malgré ses fortes résistances. Préconisé le 23 décembre, il fut sacré à la Pierre-qui-Vire le 4 février 1872 par l’Archevêque de Sens, assisté de l’Evêque de Nevers et de l’Evêque de Tarbes, il fit son entrée solennelle à Quimper le 14 février 1872, arrivant à pied à sa cathédrale. Il est accueilli dans la liesse des fidèles car il incarnait, dans sa robe de bure, l’image de leur moine fondateur Saint Corentin. Il conserva pendant tout son épiscopat son costume de religieux, et suivit en tout point sa règle qui prescrit l’abstinence quotidienne des aliments gras, couchant tout habillé sur une simple paillasse.
L’événement important, sous son épiscopat, fut l’avènement de la IIIè République, suivi des premières lois de laïcisation ; son action pastorale en fut fortement marquée. Beaucoup de ses mandements et lettres évoquent cette situation et préconisent des actions en conséquence. Alarmé par les lois scolaires de Jules Ferry, il se préoccupa de l’enseignement religieux des enfants à l’école, en famille, dans les paroisses. Son action en ce domaine se développa dans deux directions : création d’écoles chrétiennes et réforme du catéchisme. Un comité d’écoles libres fut mis en place, sous la direction de M. du Marc’hallac’h, son vicaire général ; 50 écoles furent fondées sous son épiscopat. En 1877, l’évêque décidait de refondre et d’unifier les catéchismes tant bretons que français et de publier un catéchisme de persévérance ; il édictait en même temps des règles plus strictes pour la tenue des catéchismes paroissiaux.Parallèlement à cette action, il promulguait un règlement et un programme pour la prédication dominicale. C’est sans doute ce souci de l’instruction du peuple chrétien dans son ensemble qui prédominera au cours de son épiscopat, avec celui de l’entretien de la vie spirituelle et intellectuelle de son clergé : insistance sur les retraites ecclésiastiques, réorganisation de l’examen des jeunes prêtres, création de l’examen pour le rectorat.
Demeuré bénédictin sous la mitre, il mena une vie ascétique et conserva son nom religieux, Dom Anselme, dont il signa tous ses actes. Il prodigua ses soins aux diverses formes de vie religieuse dans le diocèse, visitant régulièrement les communautés ; il rétablit la vie monastique bénédictine dans le diocèse en favorisant la création d’un monastère de son Ordre à Kerbénéat, paroisse de Lanneuffret, qui sera à l’origine de la restauration de Landévennec, 75 ans plus tard. On lui doit également l’unification des quatre Catéchismes de Léon, Tréguier, Cornouaille et de Vannes, jusque-là en usage dans le diocèse, la création de la Semaine Religieuse en 1886, la publication en 1880 d’un manuel de cantiques bretons qui durera jusqu’en 1942 et la reconnaissance de la relique du Bras de saint Corentin.
Il s’opposa fermement à la candidature de Monseigneur Freppel, évêque d’Angers, dans la 3ème circonscription de Brest en 1880 aux élections législatives. L’élection de celui-ci fut à l’origine de la toute puissance politique des curés du bas-Léon et de leur émancipation, du moins dans ce domaine, de l’autorité épiscopale. N’étant pas parvenu à empêcher la candidature et l’élection, Monseigneur Nouvel de la Flèche fut accusé de défaut de fermeté et d’autorité suffisantes.
Mgr Dom Anselme Nouvel mourut à Quimper le 1er juin 1887, huit jours après sa rentrée de visite pastorale, sans la moindre illusion sur sa fin prochaine et s’y préparant avec une énergie et une grandeur d’âme peu communes. Ses obsèques à la cathédrale de Quimper sont concélébrées le 6 juin sous la présidence de l’archevêque de Rennes, en présence de l’ensemble des évêques du grand-ouest, du père abbé de Solesmes, des députés et sénateurs bretons, des corps constitués et d’une foule énorme de prêtres, de moines, de religieuses et de laïcs de toutes conditions, riches ou pauvres, venus de tous les coins de la Bretagne. Il est inhumé dans l’enfeu de la chapelle de Saint Corentin, en la Cathédrale, près du chœur, avec sa représentation en marbre blanc (réalisée par Hernot). Son éloge funèbre fut prononcé par Mgr Becel, évêque de Vannes. Un portrait en pied a été peint par Yan D’Argent (évêché de Quimper).
Sources :
Albert Le Grand, Vie des Saints de la Bretagne Armorique, 1901.
Bulletins de la société d’émulation des Côtes-du-Nord.
Maître Paul Le Breton, un moine évêque au XIXè siècle, Mgr Nouvel, Dom Anselme, 1968.
Bulletins diocésains et B.S.A.F.