Un beau manoir dans un environnement préservé, que ses propriétaires ouvrent aimablement à l’occasion de circuits du patrimoine.
Pour la généalogie des seigneurs de Keryar jusqu’à la Révolution
on peut lire dans Lulzac, Chroniques oubliées des manoirs bretons, le chapitre consacré au manoir de Keryar.
Et je renvoie aussi dans la rubrique Histoire du site à l’établissement de l’armorial de Plourin rédigé, illustré et publié à l’occasion des 4èmes journées Généalogie et Patrimoine à Plourin par Elisa Mahé, membre actif de l’association.
On y voit comment le domaine passe de la famille Le Jar puis Keryar à la famille De Carné.
Une croix commémorative de la famille De Carné se trouve toujours sur site à Keryar.
Keryar fut une enclave de la paroisse de Lanildut dans le territoire paroissial de Plourin. Et rattaché à la commune de Plourin le 22 mars 1850.
Le manoir de Keryar ainsi qu’une partie de son domaine relevaient de la seigneurie du Châtel. L’autre partie du domaine était partagée entre les seigneuries de Lanrinou (le moulin de Keryar) de Kergroadez de Keroulas et de l’Evêque du Léon.
Successivement orthographié Kerjar, Kerjard, Keryard au cours du 20ème siècle, ce toponyme est plus connu sous l’ancien régime sous les graphies de Keriar ou Keryar.
Le plus anciennement connu est Jehan Keryar exempt de fouage lors de la réformation de 1446.
À la rencontre de Keryar et de ses hôtes
Le manoir de Keryar, ses hôtes, son histoire et ses légendes
Pour notre enquête sur le patrimoine de Plourin, mon amie Elisa avait pris rendez-vous pour nous deux avec Jean-Claude Le Ray, propriétaire de Keryar, pour ce mardi 27 septembre, à 14h.
Comme j’avais envie d’entrer à pied dans le domaine, nous garons nos voitures près de l’abribus, traversons la D28 au péril de nos vies, et franchissons le seuil matérialisé par ses deux gros piliers.
Quand on passe dans un sens ou l’autre, venant du giratoire de Keryar ou du bourg de Plourin, il est très rare de s’apercevoir qu’il y a là, au bord de la route où les gens roulent comme des fous, l’entrée d’un domaine enchanté. Pas de portail, ni de grille…Seuls les arbres, si l’on remarque leur abondance, pourraient nous donner un indice…
A pied donc nous passons le seuil, et d’emblée une atmosphère particulière, très agréable, « positive » comme on dirait aujourd’hui, nous enveloppe. Nous suivons la longue et très belle allée qui mène au manoir, bordée d’hortensias bleus et verts qui ont poussé tout seuls nous dira Jean-Claude Le Ray, et en grande partie couverte d’une belle variété d’essences d’arbres. Le domaine fait 52ha et l’on a quitté semble-t-il un monde pour pénétrer dans un autre…
Nous passons la porte du mur d’enceinte et nous retrouvons dans une cour carrée.
Jean Claude Le Ray vient nous ouvrir.
A droite de la portée d’entrée s’ouvre la grande salle ou salle basse. Et nous voyons avant d’y pénétrer un magnifique escalier droit en pierre qui monte à l’étage.
Nous voici donc dans la grande salle, impressionnante par sa taille et par celle de sa cheminée monumentale.
La famille de Kersauson achète le manoir en 1937 avec 52 hectares de terre. Aujourd’hui il possède encore presque toutes ses parcelles, nommées en Breton sur l’ancien cadastre à la Préfecture de Quimper.
Les croix de Mabetor faisaient partie du domaine autrefois.
Cette famille de Kersauson sont des cousins éloignés des Kersauson de Penn en Dreff.
Jean Claude Le Ray (le propriétaire actuel) est veuf de Gisèle Marie Brigitte de Kersauson, née à Lambezellec le 8 janvier 1931 et décédée à Keryar le 22 février 2008.
Il est le père de 3 enfants.
Le beau-père de Jean Claude Le Ray, Alain Marie Cado de Kersauson de Kerjean, est né à Trébabu le 22 avril 1894 et décédé à Brest le 6 mars 1979. Il épousa Cécile Gérarde Marie Denesvre de Domecy, née à Chapelle du Bougay (76) le 26 septembre 1896 et décédée à Keryar le 28 novembre 1991.
Alain Marie Cado de Kersauson fut maire de Trébabu.
Le membre le plus anciennement connu du manoir se nomme Jehan KERIAR. Il est cité à la Réformation des Fouages en 1446.
Le manoir de KERJAR (ou KERYAR) aujourd’hui en Plourin est indissociable de l’histoire de Lanildut auquel il appartenait jusqu’au 19° siècle. Lors de la réformation de la noblesse de 1448, Yvon KERYAR, seigneur dudit lieu, est le seul des gentilshommes de la trève de Lanildut à se voir confirmé dans son état de noblesse.
Jean Claude Le Ray nous a dit que le manoir datait du 15ème. Et qu’il a été construit sur les ruines d’un ancien Temple.
Cette mention d’un ancien Temple a évidemment immédiatement éveillé ma curiosité.
Un Temple ?
Serait-ce un temple romain ? Une monnaie romaine fut découverte sur site.
L’intérieur du manoir :
La grande salle est pourvue d’une cheminée monumentale en pierre de Kersanton ( ?). Le linteau est fendu, peut-être parce que les Allemands ont fait de trop gros feux. Mais le manoir a eu la chance de n’être abîmé ni par les Allemands ni par les Américains à la fin de l’occupation.
Au-dessus du linteau de pierre, on aperçoit l’arc de soutènement qui soutient la cheminée (plus petite) de l’étage située au-dessus.
Le sol en chêne de cette salle est posé directement sur la pierre et s’abîme.
Sur les poutres du plafond sont accrochés tous les blasons de la famille Kersauson.
Divers portraits à l’huile représentent des membres de la famille.
Une meurtrière intérieure servait à surveiller la grande table, pour voir si tout allait bien et aussi peut-être pour s’assurer que personne ne vole l’argenterie…
La cour intérieure :
La cour intérieure carrée était pavée, et mesure 25/30 m de côté. Elle est recouverte de pelouse et de graviers. Cela n’empêche pas les taupes d’y construire des galeries, ce qui tracasse Jean Claude Le Ray.
N’ayant pas assez d’hectares pour construire un pigeonnier, un Sieur Keryar a demandé l’autorisation à Mr de La Tour (son voisin) de creuser des boulins dans le mur intérieur de la cour, côté face à l’ouest.
Les archives disent que le Sieur de Keryar obtint en fait l’autorisation de dresser colombier mais que ce dernier ne fut pas construit et qu’à sa place fut creusée une « retenue à pigeons » dans un mur de la cour, pratique apparemment assez rare à l’époque dans le Bas-Léon.
Les extérieurs :
Le manoir comprenait 5 latrines intérieures et indépendantes les unes des autres.
La chapelle dédiée à St Yves a été pillée et il ne reste rien. Elle est actuellement désaffectée. Un « vitrail » peint par Eric le Ray occupe une des fenêtres restantes. Clin d’œil fort sympathique.
La fontaine était pourvue d’une statue polychrome de St Yves qui a été volée.
C’est pour cette raison qu’Eric Le Ray, fils du propriétaire, a demandé un morceau de frêne à son père (essence d’arbre existant sur le domaine) et il a sculpté un Saint-Yves, qu’on voit dans la grande salle.
Saint Yves est le saint patron de toutes les professions de justice et de droit, notamment celle d’avocat ; il est également un des saints patrons de la Bretagne.
Le manoir possède un puits rectangulaire, qui était actionné à l’aide d’une perche. Et une rigole en granit conduisait l’eau vers le four à pain tout proche.
Le puits abriterait une cachette avec, dit-on, un souterrain qui mènerait partiellement vers Plourin. Il servait aux Seigneurs à se cacher ou à fuir en passant d’un manoir à l’autre.
Des sources d’eau existent tout autour du logis et, sur le chemin menant au manoir, il y a « le marais ». Ce qui donne une végétation luxuriante.
Un Temple, des sources, un marais, un puits avec cachette et souterrain, voilà de quoi écrire une nouvelle fantastique ou un « thriller » sur Keryar !
Le manoir possède aussi un cadran solaire : Ref à la Société astronomique de France sous le n° 29 20 801.
Avec sérieux et à la fois beaucoup d’humour Jean Claude Le Ray nous a rapporté quelques anecdotes :
- Le dernier loup de la région a été tué à Trébabu le 12 mars 1885 par un des Kersauson.
- Pendant la guerre, le manoir a abrité 150 Allemands.
- Keryar était un repère de brigands à cause du carrefour proche.
- Dans le domaine, actuellement il y a 4 chevreuils qui circulent.
- 3 petites chouettes reviennent chaque année au manoir. Quand elles marchent dans les combles, on a l’impression qu’une personne se déplace.
- De la monnaie romaine a été retrouvée dans le marais
Alors maintenant, en plus du Temple, des sources, du puits à cachette et son souterrain, on a des Romains, des brigands, un marais et des oiseaux de nuit !
Manquerait plus que…Elle arrive ! La Dame Blanche !
On avait averti Jean Claude Le Ray à son arrivée au manoir que la nuit, elle était là, au manoir, la Dame Blanche. Et qu’il aurait du mal à trouver le sommeil ! « J’ai toujours très bien dormi », nous a-t-il dit !
Retour à Kerjar vendredi 21 octobre après-midi
Quand nous sommes retournées à Kerjar ce vendredi-là, nous attendaient Haude Madeline, la fille de Jean-Claude Le Ray et sa petite fille Astrid.
Elles nous ont montré la source et le lavoir, imposants par leur taille, et magnifiques.
Retour à Kerjar mercredi 16 novembre
Nous sommes accueillies par Eric et Florence Le Ray
Nous refaisons un tour du propriétaire et à chaque fois nous enrichissons nos connaissances : Eric nous montre la pièce où se trouvait le four à pain et où l’eau arrivait du puits par une deux rigoles dans deux bacs.
Dans la pièce il y a une porte donnant sur la cour avec une belle ogive mais le linteau est fracturé à l’intérieur et Eric ne veut pas courir le risque de déboucher la porte.
Nous allons à la source d’où part le ruisseau qui alimente le lavoir et qui poursuit sa course vers Landunvez.
Nous recherchons l’ancien moulin et l’étang…nous demandant si la pierre et l’auge visibles près du sentier ne seraient pas des vestiges…
Belle promenade dans la forêt où nous admirons les sequoias plantés par Eric il y a une dizaine d’années ( ?) et les hêtres noueux.
Les hôtes de la forêt ? Bécasses, chevreuils, martres, belettes ; mais il n’y a plus de lapins. Buses, chouettes.
Il y a bien sûr des champignons dans la forêt dont un alcaloïde (une étude a été réalisée par un spécialiste).
Il y avait beaucoup de vipères autrefois mais moins aujourd’hui.
Dans l’ancienne chapelle, il nous montre l’ancienne porte donnant sur la sacristie au fond avec son « observatoire ».
L’autel était du côté du manoir. Il y a toujours un bénitier. Mais le vitrail a disparu. Le sol aurait été fouillé…
Il y a eu des fouilles archéologiques sur le site qui auraient accrédité l’existence d’un temple romain : une pièce à l’effigie de Néron a été retrouvée par Eric le Ray.
Il y avait un ancien bâtiment à gauche et en avant du manoir : une trace sur le mur, ainsi qu’une fenêtre « porte » l’attestent ; ainsi qu’une pierre de seuil au sol.
Et dans la cour il y avait un puits de construction.
Les camélias repoussent tout seuls comme les hortensias qui jalonnent les chemins du domaine.
Dans la partie verger il y a deux variétés de kiwis ; une serre avec une vigne. Les murs du verger ont été relevés pour éviter le vol des fruits.
Dans la tour latrines il y a un escalier en colimaçon (avec trois latrines nous dit Eric)
Les grilles des fenêtres ont été enlevées.
Les logements du fermier se trouvaient dans le logis porche de l’entrée à l’étage.
À l’extérieur et de part et d’autre de la grande allée se trouvaient un étang et une pêcherie.
Et une remise à carrosses…
Le 14 janvier 1760 grand mariage à Lanildut entre Charlotte Gabrielle de Carné fille de Charles François de Carné et Angélique Marie Anne de Lantivy, et Jean Guénolé d’Esclabissac, chevalier, lieutenant des vaisseaux du roi, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis.
Il fallait bien des carrosses pour transporter ce jour-là, un jour de janvier, le long de la grande avenue si bellement plantée d’arbres de haute futaie, comme le raconte l’auteur d’un des guides du patrimoine de Plourin, les uniformes chamarrés de la vieille marine française, les grands seigneurs à perruque poudrée, les nobles dames en robes de satin blanc broché de palmes d’or et roses crème et corail….
Un très beau domaine donc.
Et nous sommes vivement reconnaissants à ses hôtes de nous le faire connaître.
Quelques alliances et naissances relevées dans les archives
Charles François de Carné et Angélique Marie Anne de Lantivy ont eu de nombreux enfants dont un dont il est dit qu’il fut ondoyé dans la chapelle du château le 30 septembre 1737.
Un autre de leurs enfants, Guyonne Geneviève Anne née à Keryar épouse le 14 février 1763 Claude de Parceveaux.
Une autre alliance : celle de Marie Gabrielle de Carné fille de Jacque de Carné et de Marie Gabrielle de Kerangar, le 15 février 1711 avec François de Bouvens. Il est noté que ce mariage a lieu dans la chapelle de Keryar.
Une autre alliance eut lieu entre Louis Marie de Carné et Emmanuelle Claude de Bullion de Montlouet dont je trouve de nombreux enfants entre les années 1769 et 1778.
Pour toutes précisions et généalogie s’adresser au CGF.
Muriel
Un document m’a été confié par Nicole de Forges, il ajoute des précisions sur les habitants de Kerjar.
Document concernant Keryar après la Révolution où il est question d’impôts….
Entre la générosité du comte Ambroise de Carné (mort en 1856) et l’appât du gain de ses héritiers….
Un petit morceau d’histoire locale….