Fontaines

Publié le 9 mars 2018

Les fontaines et les fontaines sacrées

Fons en latin c’est la source ou la fontaine
source c’est le jaillissement
fontaine souvent la construction

Où se trouvent les sources ?

Choix de la source (en général) :

  • la distance par rapport à l’habitation : plutôt près des fermes, dans la cour
  • le débit : pour la lessive 5 litres par minute et par personne nécessaires
  • ne doit jamais tarir
  • le goût
    On fait appel aux sourciers, très respectés

Fermes raccordées au réseau 1958-1960 : fin de l’usage domestique des fontaines ; seules celles avec lavoirs sont conservées
Au début des années 50 encore un grand nombre ; avec le remembrement on a détruit les talus qui abritaient les fontaines
(aménagement du territoire : route de Keryar Plourin élargie et la fontaine Saint Budoc détruite entre 199 et 2002)

Sources sacrées
Soit la fontaine a déterminé un lieu de culte ; la fontaine entraîne la chapelle
La chapelle construite parfois au-dessus de la fontaine
Si fontaine isolée c’est que le culte a disparu (sauf exception)
Environnement de la fontaine important
La fontaine comme l’église comme le calvaire est orientée

Quand les fontaines ont-elles été construites ?

1 fontaines et mégalithes

2 fontaines et habitat néolithique

Fontaines et sépultures de l’âge du bronze ; tumulus vers -2000 ; l’eau et la mort
Depuis l’époque proto-historique (néolithique et les 3 âges du cuivre du bronze du fer) : on a retrouvé près des fontaines de nombreux ex-voto en silex
Cultes naturistes

3 fontaines et stèles de l’âge du fer ; si stèle caractère funéraire, la fontaine symbolise la régénérescence
ou bien l’érection de la pierre marque l’importance culturelle (ou cultuelle) de la source

4 les Gaulois
Voir Pierre Audin 1981 : catalogue des fontaines guérisseuses
Culte des eaux remontant à la proto-histoire
Les Gaulois croyaient les sources habitées par des esprits ; voir les nymphes, naïades, ondines des Romains
Dévotion pour les sources pas introduite en Gaule par les populations celtiques ; déjà là
soleil/eau ; ciel/terre
La Saint-jean le 24 juin en l’honneur du soleil : l’eau au maximum de son efficacité
Sources associées aux pierres et aux arbres
Cultes naturistes revivifiés et absorbés par les Celtes ; puis les Romains
A l’époque gauloise les « matrae » étaient la personnification des sources
Elles guérissaient toutes les maladies en particulier celles liées aux femmes (fécondité, stérilité, accouchement)
Souvent représentées par trois plus tard : les trois Maries : les « mères » gallo-romaines sont devenues la Vierge ou les Trois Marie
Mais continuité des rites païens jusqu’à nos jours

5 les Celtes

6* les Romains (les Grecs…les naïades…)

7 L’Eglise
Voir Paul Sébillot 1917 ; « le folklore de la France »
Origine lointaine du culte des eaux : l’eau culte constant et universel
Origine merveilleuse des fontaines
Pouvoir magique ; divin

Origine cultuelle : christianisation des fontaines

L’eau purificatrice, le baptême : l’Eglise ne combat pas l’élément eau, mais les cultes païens qui y sont rendus
L’église venue de Grande Bretagne détruisit d’abord les petits monuments au-dessus de sources
Puis leur donna un vocable chrétien au 6ème 7ème 8ème s : soit le nom du patron de la paroisse, soit celui de l’ermite proche, ou un nom se rapprochant de celui de l’ancienne divinité
On conserve les dates des fêtes païennes en leur substituant le saint
Puis christianisation de l’espace en construisant un sanctuaire à proximité, parfois même sur la source (Kerlanou)
Rapport constant entre la fontaine et le sanctuaire
Au 7ème siècle Grégoire le Grand : « ne supprimez pas les fêtes et les sacrifices que les Bretons célèbrent en l’honneur de leurs dieux ; transportez-les seulement au jour de dédicace de l’église ou de la fête des Saints Martyr »
Assimilation donc
Mais les cultes païens demeurèrent souvent et furent l’objet de rappels et d’interdits voire de conciles
En 1620 Michel le Nobletz trouve encore en Armorique des « gens qui s’agenouillent devant la lune et ont une culte des fontaines »
Recours aux sources jusqu’au 19ème

8 Fin du Moyen Age et époque classique

Origine monumentale des fontaines vers le 14ème : après le Traité de Guérande (1365) la Bretagne s’ouvre à l’art
Plusieurs styles pour les monuments des fontaines : gothique, renaissance, classique
Le gothique :

  • la fontaine adossée à l’édifice (sur le chevet de la chapelle)
  • la fontaine à mur plat creusé d’une niche
  • la fontaine en forme d’oratoire
    Âge d’or des fontaines : 17ème
    Comme les calvaires…richesse de la Bretagne du 15ème au 17ème grâce au lin….

ARCHITECTURE
La fontaine ressemble à une véritable chapelle miniature avec son architecture, son saint dans la niche…
Les fontaines pour rappeler les épidémies, sur les lieux des miracles, à l’endroit où a débarqué le saint
Aujourd’hui témoins d’un passé révolu
Encore plus difficile de connaître les auteurs et de dater
Parfois des artisans locaux, tailleurs de pierre
Parfois des spécialistes
Peu d’ateliers de sculpture, apparus vers le 15ème
Commandées par de riches agriculteurs, bourgeois, nobles locaux
Œuvre collective à laquelle le peuple participait y compris de ses deniers
Les prêtres aussi participaient
En granite, ou en kersanton ou Kersantite plus rare car très chère
Datation très difficile
Du réemploi souvent, des remaniements
La fontaine mur du 15ème au 18è voire au 19ème
La fontaine en édicule du 15ème au 18ème
La fontaine ouverte sur un bassin +escalier+ muret : 17ème

ICONOGRAPHIE très variée
Chaque fontaine dédiée à un saint particulier ou à la Vierge
Le saint muni de ses attributs, sa vie légendaire, ses miracles ; les faits folkloriques principaux qui lui sont rattachés
Avec en plus des motifs et symboles religieux :

  • la croix ; le cœur avec la sphère surmontée d’une croix et l’inscription IHS
    1ère fête du sacré cœur : 17 octobre 1685
  • la coquille
  • une tête humaine

    Quand se rend-on aux fontaines ?

    On se rend aux fontaines individuellement ou lors des fêtes religieuses comme le pardon ; dans la chapelle proche de la fontaine
    On peut envoyer une « pèlerine » à sa place
    Les moments les plus propices : le matin avant le lever du soleil ou le soir après le coucher, parfois la nuit
    Le lundi le jour le plus efficace ; 3 lundis consécutifs…
    Le vendredi
    Le 24 juin le plus recommandé : l’eau la plus efficace ; date vénérée depuis l’Antiquité
    Si pardon le dimanche

Pour quoi dans quel but ?

  • puissance des fontaines sur les éléments : faire pleuvoir…
  • rites de guérison pour animaux les chevaux notamment
  • rites pour les enfants : marche, motricité, vigueur, maux d’yeux
  • les femmes en particulier (l’eau, la vie, l’enfantement) : Saint Mathias à Lézérouté, 18ème : on vient se frotter à la stèle proto-historique de Lilouarn en Plourin, à mi-chemin entre la fontaine Saint Mathias et la chapelle pour avoir du lait en abondance puis on descend boire l’eau de la fontaine puis prier à la chapelle
    pb liés à la grossesse, l’accouchement la stérilité…

(J’ai vérifié : il y avait bien une chapelle Saint Mathias à Ploudalmezeau, détruite, et Lezerouté ne se trouve pas loin de Lanlell…)

  • fontaines pour les oracles, rites de divination
  • fontaines pour le mariage

Chaque saint guérit un mal déterminé ; certains sont polyvalents ; comme la Vierge
Spécialité thérapeutique parfois inspirée par une assimilation entre le nom du saint et le mal qu’il guérit ; par exemple Notre Dame du Folgoat guérit les hémorragies (goat ou goad c’est le sang en Breton)
Parfois la maladie a pris le nom du guérisseur : mal Saint-Laurent (eczéma)
Parfois analogie entre l’hagiographie du saint et sa spécialité : Saint Hervé aveugle guérit le mal des yeux ; Saint Eloi qui fut maréchal ferrant protège les chevaux

Comment ?
Pour guérir il faut avoir un contact direct avec l’eau :

  • par absorption +aspersion
  • par lavage de la partie douloureuse ou malade
  • par bain complet, surtout les enfants, pour marcher…
    Contact avec l’eau souvent en remettant sur soi un linge trempé dans le bassin de la fontaine jusqu’à ce qu’il soit sec (par exemple par les femmes enceintes pour une heureuse délivrance)

Rites divinatoires

Offrandes et ex-voto :

  • monnaie pour attirer la bienveillance de la divinité ou du saint
  • matériel porté apporté après la guérison
  • pièces de monnaie, clous, épingles, ruban qui ont servi dans la pratique

    Conclusion

    L’eau fédératrice de vie et d’histoire
    Il faudrait d’autres études :
  • d’ordre géographique par l’étude géologique, la provenance des sources
  • d’ordre historique par les témoignages d’un culte préchrétien : présence de monnaies, d’un appareil gaulois, proximité de mégalithes …
  • d’ordre psychologique pour une étude symbolique de l’eau selon Jung et Bachelard
  • d’ordre anthropologique

Nostalgie des fontaines
Capital symbolique
Tourisme
Circuits et chemins de randonnée
Associations locales comme Tenzoriou Ploerin

Muriel d’après le mémoire de : Yvette Lavigne Fontaines saintes de Bretagne (Saint-Brieuc) UHB Rennes 1984
et la conférence de René Sanquer Aber Benoît Aber Ildut 1987

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